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Nomade confiné

NMINomade in : le voyageNomade confiné

Voici que depuis le début de l’année 2020, le monde est mis sous cloche. Difficile de poursuivre une vie nomade quand tout autour de vous se confine. Tout ? Non ! La nature, elle, s’éveille. Alors comment les nomades que nous sommes devenus vivent cette période de confinement ?

Une Terre d’asile

Enfant devant un champ

Rentrés d’Asie fin janvier, nous étions retournés dans mon village d’enfance pour y retrouver la famille, c’est donc tout naturellement là que nous vivons le confinement. Quel bonheur d’être confinés dans une maison avec jardin au milieu d’un petit village.

La vie de village de mon enfance

Lorsque j’étais petite, nous y vivions dans une ambiance chaleureuse d’entraide entre voisins.

L’année était rythmée par les saisons, le temps de récolte de légumes dans les jardin amené un joyeux échange : fraises contre salades ou haricots…, chacun mettait la main à la pâte pour aider les paysans à la récolte du maïs, du foin… et la journée de labeur se terminait par un buffet campagnard plutôt jovial à l’image du festin d’Astérix et Obélix.

Il y avait également une saison que je n’appréciais guère, celle du « pèle-porc », aujourd’hui interdite, qui consistait à tuer le cochon de manière à faire les réserves de pâté, saucisses et autres charcuteries en tout genre. Une saison où il valait mieux être sourd. Mais aujourd’hui, je me rends compte que même cette activité était source de solidarité. Effectivement, les gens passaient de ferme en ferme pour aider les fermiers. La cuisine se faisait à plusieurs et ainsi le travail était réparti, moins pesant, puis tous repartaient avec les réserves nécessaires à leur famille.

Il en allait de même pour toute sorte de cuisine : conserves de légumes, canards… Chacun s’enrichissait par la même occasion du savoir-faire des anciens et des petits secrets culinaires de tous. Des temps d’échange à la fois conviviaux et intergénérationnels.

Au quotidien, quelques adultes échangeaient autour d’un verre au café-épicerie du village, pendant que d’autres jouaient à la pétanque et que nous jouions avec les copains (du tout petit à l’adolescent) dans les champs en grimpant sur les meules de foin ou les arbres. Nous n’avions pas de parc et peu d’entre nous possédaient des balançoires dans leur jardin mais peu importe. Nous ne nous sommes jamais ennuyés.

Nous récupérions beaucoup d’objets que nous transformions avec les copains pour nous bricoler des voitures, pour faire des concours de chars… jusqu’au soir, où la trayeuse de la ferme voisine se mettait à ronronner : il était alors l’heure d’aller chercher le lait tout frais tiré. En rentrant, je ramassais les œufs laissés par un autre fermier dans la petite fenêtre qui sépare son poulailler de notre maison et le pain laissé par le boulanger dans la niche au portail.

Ainsi, nous étions à la fois à l’écoute des autres, de la nature et de nos tous nos sens, il y a moins de 25 ans.

Enfants qui pêchent

Le changement ou l’arrivée de la civilisation

Cette vie de village a été amenée à évoluer. De moins en moins de personnes travaillant dans les champs ou l’élevage, le paysage s’en trouve changer, les terres ont été peu à peu vendues et bâties. Le village a bien grossi, a accueilli de plus en plus de population mais a perdu son âme. Aujourd’hui et depuis quelques années déjà, nous faisons le constat que peu de personnes se promènent dans les rues. Les enfants ne jouent plus ensemble dehors. Si par hasard on croise deux bambins sur la place du village, nos regards cherchent désespérément les parents irresponsables. Un groupe d’adolescents rigolent et notre cerveau se demande quel délit va être commis. Ces situations sont devenues anormales voire bizarres. L’épicerie fermée, les pistes de pétanque ont été transformées en très beau parking ; les meules de foin rangées, le centre du village a un nouveau look, très esthétique mais désert.

Chacun est devenu un inconnu pour son nouveau voisin. Il n’y a plus de cuisine en commun rythmée par les saisons, les achats se font désormais au supermarché. Chacun prend sa voiture le matin pour se rendre au travail. Bizarrement, beaucoup prennent la même direction, celle de la ville la plus grosse, mais personne ne sait qui va où. Dommage, peut-être que le covoiturage aurait pu être possible mais c’est quand même confortable de partir à son heure et à son rythme, d’avoir sa voiture (gage de réussite sociale) avec ses affaires à portée de main, d’être sûr de n’avoir rien oublié dans celle du voisin, de pouvoir repartir quand on veut et d’où on peut sans avoir à attendre quelqu’un et de pouvoir s’arrêter si nécessaire au supermarché pour acheter les œufs qu’on ne trouve plus sur la fenêtre en veillant que l’étiquette nous garantisse qu’ils soient bien bio mais certainement produits à des centaines de kilomètres.

La municipalité a bien tenté de déconfiner les habitants en installant un parc de jeux pour enfants. Mais aujourd’hui, tous ont une balançoire, un trampoline ou un toboggan dans le jardin, le parc reste donc vide. Et il faut avouer qu’après une dure journée de travail loin de chez soi, beaucoup aspirent à se poser devant la télévision ou les réseaux sociaux pour se détendre. Même la fête annuelle du village n’a plus de succès.

La plupart des anciens ont été logés à la maison de retraite du canton et, lorsqu’ils reviennent sur leur terre natale, ils avouent ne pas reconnaître l’essence de leur village.

Balançoires vides

C’est en posant ce constat que plusieurs envies sont nées en moi. Tout d’abord, voir ailleurs si l’esprit de partage est toujours vivant, notre vie nomade venait de voir le jour. D’un autre côté, je souhaitais trouver un moyen d’offrir à mes enfants l’expérience d’une vie empreinte de nature, partage, entraide, convivialité qui sont pour moi les racines, l’essence de l’éducation. L’idée de la création d’un écolieu intergénérationnel vient de ce constat.

L’heure du confinement : le retour aux sources

Quand l’heure du confinement a sonné, nous nous trouvions dans mon village natal. J’étais tout d’abord craintive non seulement car il est devenu difficile de vivre à plusieurs générations sous le même toit mais aussi car nous n’étions plus habitués à une vie sédentaire, les enfants risquaient de ne pas tenir en place. De plus, je ne connaissais plus personne dans ce village mais après tout qu’importe, puisque l’objectif était justement de ne pas avoir de contact avec d’autres personnes.

Nous voilà donc nomades-confinés, nomades-sédentaires, ais que faire ?

Nous avons, comme la plupart, respectés à la lettre le confinement, tout d’abord en restant à la maison qui, comme je le disais précédemment, à l’atout d’avoir un jardin. A notre grand étonnement, les enfants ont vite accepté les règles du confinement. Ils se sont même montrés heureux d’avoir du temps pour jouer aux jeux laissés chez papi. Ils ont redécouvert les joies des séances de déguisements, des puzzles, des Lego, de la fabrication de cabane avec trois bouts de tissus. Il est vrai que notre mode de vie nomade nous a obligé à laisser derrière nous beaucoup de matériel. Nous veillions à chaque destination à nous fabriquer des jeux en récup… ce que les enfants apprécient mais les plaisirs des jouets leur manquaient tout de même. Ils étaient d’autant plus heureux qu’ils avaient papi au quotidien avec eux.

La météo, clémente, nous a permis de passer beaucoup de temps dans le jardin et finalement de pouvoir l’observer dans ses moindres détails. Les enfants sont souvent les premiers à voir une abeille butiner, un scarabée qui a du mal à décoller, les fleurs du cerisier qui viennent de s’ouvrir ou de se transformer en cerise… Voilà deux mois offerts d’observation d’un même lieu : sous la pluie, la neige (chance), le soleil du printemps et peut-être bientôt celui de l’été. Les enfants ont noté avec joie l’évolution et je ne peux que constater que j’ai découvert moi aussi des petits trésors. Je le connaissais pourtant très bien, ce jardin qui m’a vu naître, mais je n’avais jamais pris le temps de m’y arrêter aussi longtemps qu’aujourd’hui.

Et puis, honnêtement, notre esprit nomade avait quand même besoin d’action et nous avons poussé le portail de temps en temps, pas plus d’une heure par jour promis ! Et j’ai moi-même redécouvert le village, un kilomètre de rayon on est large ici. J’ai éprouvé du plaisir à montrer les lieux secrets de mon enfance à mes enfants mais aussi à découvrir de nouveaux endroits choisis par eux qui sont devenus leurs territoires de jeux : un champ d’herbe, un lavoir, une pierre… Ils se les sont réellement appropriés. J’ai redécouvert la nature environnante et ses animaux à travers le regard et l’engouement de mes enfants : les ânes, les chèvres, les abords de la forêt, le ruisseau sont autant de trésors que j’avais oublié.

Enfant avec chèvres

J’ai été surprise lors de ces pérégrinations de me rendre compte qu’il y avait finalement bien plus de personnes dehors pendant le confinement qu’en dehors de cette période. Tout en respectant les règles sanitaires, les gens observent les animaux et la nature, discutent, se redécouvrent, prennent le temps et échangent même des astuces… Et si l’esprit du village revenait grâce au confinement ? Et si les gens avaient simplement besoin de se poser pour se retrouver ?

Finalement mes craintes n’étaient pas fondées. Nous ne nous sommes à aucun moment ennuyés, nous avons fait de belles découvertes et rencontres, chacun a su trouver sa place dans un foyer intergénérationnel. Nos enfants ont profité de leur grand-père, du jardin et de la nature environnante. J’en arrive à me dire que, quelque soit le lieu ou les conditions, un esprit nomade trouvera toujours à s’émerveiller, s’épanouir, s’évader et surtout voyager dans le temps, dans le monde ou en soi.

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